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Le scepticisme à propos du libre arbitre

  • Photo du rédacteur: Julien Ouellet
    Julien Ouellet
  • 28 mars
  • 3 min de lecture
Image abstrait du libre arbitre et du déterminisme.

Dans la vie de tous les jours, nous enchaînons les décisions sans véritable effort. Au réveil, certains décideront délibérément d’ignorer la sonnerie de leur téléphone pour dormir quelques minutes de plus. Les plus vaillants d’entre nous se lèveront immédiatement et iront choisir les morceaux de vêtement qu’ils porteront pour la journée. En examinant les bananes presque trop mûres qui traînent sur le comptoir, certains décideront de les manger pour déjeuner, et d’autres préféreront cuisiner un pain aux bananes en soirée. La vie regorge de ces moments où les actions se succèdent naturellement. Il arrive cependant que des événements plus importants nous obligent à nous arrêter et à délibérer longuement. Vous vous faites offrir le poste de vos rêves à l’étranger, mais l’offre s’accompagne d’importants sacrifices personnels. Vous avez l’occasion d’acheter un condo à très bon prix au centre-ville, mais cela signifie renoncer au voyage autour du monde dont vous rêvez depuis toujours. Dans de telles situations empreintes d’incertitude, il est naturel de croire que l’avenir est ouvert et que nous faisons face à de véritables alternatives. C’est cette capacité qu’auraient les agents rationnels à déterminer le cours de leurs actions que l’on nomme « libre arbitre », et c’est aux actions produites de cette façon que l’on réserve généralement le qualificatif de « libres ».

Les actions libres se présentent ainsi comme un certain type d’actions sur lesquelles nous avons un contrôle particulier. Il reste maintenant à définir précisément la nature de ce contrôle. Les options ne manquent pas : certains invoquent la notion de désir du second ordre, de conscience, de rationalité, ou encore de causalité indéterministe. Par exemple, certains diront qu’une action est libre lorsqu’elle est produite par un mécanisme qui répond adéquatement aux raisons, tandis que d’autres soutiendront qu’une action est libre lorsqu’elle est causée, de manière indéterminée, par des préférences. Cette entreprise de définition est complexe, mais elle repose sur des motivations claires : pourquoi prendrions-nous la peine de délibérer si nos décisions n’étaient pas sous notre contrôle ? Pourquoi punir un criminel s’il ne pouvait pas choisir autrement que de commettre son crime ? Que vaut une promesse tenue si nous n’avons jamais eu la possibilité réelle de la violer ? Et à quoi bon investir des efforts dans un projet si son succès ne dépend pas réellement de nous ? Comme le dit Susan Pockett (2013), si le libre arbitre n’existait pas, il faudrait l’inventer.

Pourtant, de plus en plus de philosophes adoptent une posture sceptique face au libre arbitre. Et si celui-ci n’était qu’une nécessité psychologique, une invention de l’esprit ? Si Pockett elle-même rejette l’idée que le libre arbitre soit une illusion, d’autres, comme Saul Smilansky (2000), soutiennent qu’il s’agit d’une illusion nécessaire au bon fonctionnement des sociétés. Mais qu’est-ce qui pousse certains penseurs à défendre cette idée ? Certaines menaces au libre arbitre viennent directement des sciences. Déjà, l’existence du libre arbitre s’accorde mal avec le déterminisme des sciences physiques : si tout est déterminé, alors le futur est fixé d’avance et il n’y a pas réellement d’alternatives possibles lorsque nous délibérons. Par ailleurs, même les phénomènes d’indétermination quantique semblent trop chaotiques pour être contrôlés par qui que ce soit. De plus, les neurosciences et les sciences cognitives révèlent de mieux en mieux les mécanismes cérébraux et les influences génétiques et environnementales qui sous-tendent nos décisions, laissant peu de place à une capacité de contrôle propre aux agents rationnels.

Tous ne reconnaissent pas ces menaces. Certains philosophes, les compatibilistes, soutiennent que le libre arbitre peut exister même dans un monde déterminé. D’autres, les libertariens, rejettent le déterminisme et défendent une conception indéterministe du libre arbitre, affirmant que nos décisions ne sont pas entièrement déterminées. Aujourd’hui, la littérature philosophique demeure largement dominée par des arguments en faveur du libre arbitre. Les sceptiques sont plus nombreux qu’avant, mais leurs positions sont souvent réduites à un rôle dialectique, permettant aux défenseurs du libre arbitre d’affiner leurs propres modèles. Daniel Dennett (2013), par exemple, qualifie les thèses sceptiques de « sans espoir ». Contrairement à lui, je pense que le scepticisme est une avenue prometteuse et convaincante. Dans ce mémoire, je proposerai ainsi une défense du scepticisme à propos du libre arbitre, en évaluant les différentes conceptions du libre arbitre et en critiquant les modèles compatibilistes et libertariens.

 
 
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